- Souffle d'Ăąmes
⥠đż â° đ· Maintenant Je Sais⥠đż â° đ·

Que fais-tu grand-mĂšre, assise lĂ , dehors, toute seule ? » Eh bien, vois-tu, jâapprends. Jâapprends le petit, le minuscule, lâinfini. Jâapprends les os qui craquent, le regard qui se dĂ©tourne. Jâapprends Ă ĂȘtre transparente, Ă regarder au lieu dâĂȘtre regardĂ©e. Jâapprends le goĂ»t de lâinstant quand mes mains tremblent, la prĂ©cipitation du cĆur qui bat trop vite. Jâapprends Ă marcher doucement, Ă bouger dans des limites plus Ă©troites quâavant et Ă y trouver un espace plus vaste que le ciel. « Comment est-ce que tu apprends tout cela grand-mĂšre ? » Jâapprends avec les arbres, et avec les oiseaux, jâapprends avec les nuages. Jâapprends Ă rester en place, et Ă vivre dans le silence. Jâapprends Ă garder les yeux ouverts et Ă Ă©couter le vent, jâapprends la patience et aussi lâennui ; jâapprends que la tristesse du cĆur est un nuage, et nuage aussi le plaisir; jâapprends Ă passer sans laisser de traces, Ă perdre sans retenir et Ă recommencer sans me lasser. « Grand-mĂšre, je ne comprends pas, pourquoi apprendre tout ça ? » Parce quâil me faut apprendre Ă regarder les os de mon visage et les veines de mes mains, Ă accepter la douleur de mon corps, le souffle des nuits et le goĂ»t prĂ©cieux de chaque journĂ©e ; parce quâavec lâĂ©lan de la vague et le long retrait des marĂ©es, jâapprends Ă voir du bout des doigts et Ă Ă©couter avec les yeux. Jâapprends quâil faut aimer, que le bonheur des autres est notre propre bonheur, que leurs yeux reflĂštent dans nos yeux et leurs cĆurs dans nos cĆurs. Jâapprends quâon avance mieux en se donnant la main, que mĂȘme un corps immobile danse quand le cĆur est tranquille. Que la route est sans fin, et pourtant toujours exactement lĂ . « Et avec tout ça, pour finir, quâapprends-tu donc grand-mĂšre ? » Jâapprends, dit la grand-mĂšre Ă lâenfant, jâapprends Ă ĂȘtre vieille ! Joshin Luce Bachoux.